L’Incarnation a aussi pleinement respecté les lois de la psychologie et les avancées de cette science ont permis de reconnaître le rôle primordial du père dans l’élaboration de la structure psychique de l’enfant : il représente pour celui-ci l’altérité et plus largement l’ouverture au monde. C’est en réponse à la parole du père, qui l’invite à risquer une parole qui lui soit propre, que l’enfant peut exercer sa liberté et accéder à son identité.
Selon le Concile Vatican II, l’institution du mariage est « ordonnée à la procréation et à l’éducation ». Et pour saint Thomas d’Aquin, le bien du mariage entre Joseph et Marie fut Jésus : « L’enfant est appelé bien du mariage en tant que le mariage est spécialement ordonné à sa naissance et à son éducation. »
Jésus avait besoin de l’action éducative de ses parents. Docile de façon constante, il était disposé à recevoir, ouvert à l’œuvre éducative de Marie et de Joseph. L’union de Joseph et de Marie est liée à l’éducation de l’Homme Dieu.
Parler de père putatif ou de père adoptif n’est pas suffisant. À l’exception de l’acte propre du mariage, tout ce qui appartient au père appartient à Joseph et notamment sa part dans l’éducation du Christ. Saint Irénée de Lyon est le premier à souligner le lien entre paternité et éducation. Il insiste sur l’enfantement de Jésus et la non-participation de Joseph mais il met bien en avant son rôle de père dans l’éducation de Jésus.
C’est encore plus important dans le monde juif, ou` le père de famille est le prêtre, le « lévite » de sa famille, figure de Dieu, qui enseigne la Loi à ses enfants. Tout particulièrement au premier né, appelé à lui succéder comme chef de famille.
Joseph, homme juste, attendait le Messie. Il était « ajusté au désir de Dieu » qui est de sauver tous les hommes (1 Tm 2,4). Joseph, par son éducation, façonne cette humanité du Fils de Dieu pour qu’il puisse réaliser sa vocation et aller au bout de sa mission si dure. La mère aide l’enfant à découvrir ce qu’il veut faire de sa vie mais le père forme les qualités, en vue de cette finalité : un projet en vue du don total de soi du Christ par amour. La difficile vocation de serviteur du Fils de l’Homme qui « n’est pas venu pour être servi mais pour servir » (Mt 20,28) a été renforcée par l’exemple donné par ses parents. Le père Jean Galot (1919- 2008) disait au sujet de cette « disposition fondamentale de serviteur », que « sur ce point spécialement, Joseph fut un modèle digne d’être regardé et imité ».
Joseph a transmis son métier, ses valeurs (force, prudence, persévérance, goût de l’effort, de la tâche bien accomplie) et son savoir-faire. Jésus était désigné comme « le fils du charpentier » (« tekton » en grec) : « N’est-ce pas le charpentier, le fils de Marie » (Mc 6,2-4), « le fils du charpentier ? » (Mt 13,54-57). Ce n’était pas un métier quelconque pour les juifs : « Dans les sentences talmudiques, le mot araméen signifiant charpentier ou artisan était aussi employé pour désigner un savant ou un homme instruit. Ainsi le Talmud de Babylone dit : "Il n’y a pas de charpentier, ni de fils de charpentier qui ne puisse expliquer cela". Et le Talmud de Jérusalem : "C’est quelque chose que nul charpentier, fils de charpentier ne peut expliquer". »
Le travail du charpentier reposait donc sur un savoir substantiel à transmettre et il consistait à construire des demeures : c’est un élément de convenance qui renvoie à la belle vocation du Christ de nous construire une demeure éternelle. Et il est certainement vrai qu’il est dit à Joseph, aujourd'hui, en ce IIIe millénaire, ce qui a été dit à saint François d’Assise : « Va reconstruire ma maison. »
Donnant quelques conseils d’ordre moral à propos de la venue de Joseph et de Marie à Bethléem, Ludolphe le Chartreux (1300-1377) écrit : « Le nom de "Joseph" signifie accroissement et figure tous ceux qui veulent grandir spirituellement. Si donc nous voulons payer au Souverain Roi le tribut de dévotion, nous devons marcher dans la voie des vertus, et aller de Galilée, c’est-à-dire des plaisirs mondains, en Judée, c’est-à-dire à la confession et à la louange de Dieu, car Galilée signifie émigration, circuit, roue qui tourne, et Judée veut dire confession. Ensuite nous irons de Nazareth à Bethléem, c’est-à-dire de la vie active ou` fleurissent les vertus, jusqu’à la jouissance de la vie contemplative, ou` les âmes trouvent leur vrai repos, car Nazareth signifie fleur, et Bethléem maison du pain, c’est-à-dire maison de la réfection. »
Selon d’autres auteurs aussi, le nom de Joseph en hébreu signifie : « Dieu ajoute », « rassemble », ou « celui qui ajoute », « qui augmente », « celui au contact de qui on grandit ».
Tout cela aussi évoque l’éducation et ses trois qualités nécessaires :
l’autorité : pour faire grandir l’enfant de manière structurée,
la foi : attitude nécessaire à tout éducateur pour donner confiance à l’enfant,
l’humilité : avec la « kénose » (action de se dépouiller) du père qui se retire, comme déjà vu.
Comme le dit Jean-Paul II : « Saint Joseph a été appelé par Dieu à servir directement la personne et la mission de Jésus en exerçant sa paternité. C’est bien de cette manière qu’il coopère, dans la plénitude du temps, au grand mystère de la Rédemption et qu’il est véritablement « ministre du Salut ». Sa paternité s’est exprimée concrètement dans le fait d’avoir transformé sa vie en service, un sacrifice au mystère de l’Incarnation et à la mission rédemptrice qui lui est liée; d’avoir usé de l’autorité légale qui lui revenait sur la Sainte Famille, pour lui faire le don total de lui-même, de sa vie, de son travail; d’avoir converti sa vocation humaine à l’amour familial en une oblation surnaturelle de lui-même, de son cœur et de toutes ses forces à l’amour mis au service du Messie qui naquit dans sa maison. »