Préfiguré par le Patriarche Joseph

Joseph, avant-dernier fils de Jacob, né de Rachel est l'un des grands patriarches bibliques (Gn 30,24)

Bien-aimé de son père (Gn 37,4), Joseph excite la jalousie de ses frères en leur racontant avoir vu dans des « songes » que ceux-ci se prosterneraient un jour devant lui (Gn 37,5-11), si bien que ses dix frères aînés sont prêts à le tuer. Un jour, Jacob envoie Joseph pour s'enquérir d'eux (Gn 37,13) et ils y voient une occasion favorable : ils le dépouillent de sa tunique (Gn 37,23), le jettent dans une citerne et choisissent finalement de le vendre comme esclave à une caravane qui se rend en Égypte. Mais l’esclave Joseph, que la bénédiction de Dieu accompagne (Gn 39,5 ; 39,23), qui est « juste » (Gn 39,9 ; Sg 13,10) et qui interprète les songes (Gn 40,8 ; 41,15), devient en quelques années le gouverneur d’Égypte. À ce poste, il apprend de Dieu la venue d’une grande famine sur sept années et prépare des réserves qui, non seulement, sauvent l’Égypte, mais aussi d’autres nations ; il peut ainsi subvenir aux besoins de son père et de ses frères qu’il reconnaît et qu’il retrouve après une longue séparation et dont il se fait reconnaître.

Il leur pardonne finalement de grand coeur, en reconnaissant dans tous ces événements l’accomplissement du dessein de Dieu : « Ce n’est pas vous qui m’avez envoyé en Égypte, c’est Dieu ! » (Gn 45,8) ; « Le mal que vous aviez dessein de me faire, le dessein de Dieu l’a tourné en bien, afin d’accomplir ce qui se réalise aujourd’hui : sauver la vie à un peuple nombreux » (Gn 50,20).

Le Pape Léon XIII conclut : « Il pourvut avec tant de sagesse aux besoins des Égyptiens et de leurs voisins, que le roi décréta qu'on l'appellerait le Sauveur du monde. »

Après lui, on attend le « Messie, fils de Joseph » en parallèle du « Messie, fils de David »

Dans la Tradition juive, le Patriarche Joseph est si important qu’on en est venu à parler du « Messie, fils de Joseph » (comme figure fondatrice, patriarcale et prophétique), en plus - ou en parallèle - du « Messie, fils de David » (figure royale), voire du « Messie fils d’Aaron » (figure du Grand Prêtre). Il n'était pourtant attendu à l’époque qu’un seul Messie, même si des traditions différentes existent aujourd’hui dans le judaïsme. Pourquoi alors cette distinction ? David-Paul Drach (ancien rabbin français converti au catholicisme) précise ceci : « Toutes les anciennes traditions nomment un seul et même Messie indistinctement fils de David et fils de Joseph. (…) Les anciens docteurs n'appelaient le Messie fils de Joseph que lorsqu'ils parlaient de son état souffrant, et qu'en parlant de son état glorieux ils l'appelaient constamment fils de David (...) Les rabbins postérieurs qui, pour échapper à plusieurs arguments irrésistibles des chrétiens, ont imaginé deux Messies distingués l'un de l'autre, un Messie de gloire, fils de David, et un Messie d'opprobre et de douleurs, fils de Joseph par la tribu d'Éphraïm, ne remontent pas au-delà du XIe siècle (…) Le texte d'aucune prophétie ne se prête à la doctrine d'un double Messie. »

Le grand saint Joseph, par trois aspects importants, ressemble fort au Patriarche Joseph

Tous deux sont « justes » (Mt 1,19), gratifiés de « songes » (Mt 1,20 ; 2,12-13 ; 2,19) et profondément dignes de confiance. Jésus est aussi « Messie, fils de Joseph » car il est « la figure la plus accomplie du Patriarche Joseph ». Il est bien, en effet, le « nouveau Joseph » envoyé par son père auprès de ses frères (Jn 3,16) ; mais ceux-ci ne voulaient pas qu'il règne sur eux (Lc 19,12-27) ; il fut alors rejeté par ses frères (Jn 1,11), vendu par eux (Mt 27,9), dépouillé de sa tunique (Jn 19,23). Mais il sauva finalement l’Univers (Ac 2,21 ; He 5,9) à travers son épreuve (He 5,7-8) et il attend maintenant le retour de ses frères pour se faire enfin reconnaître d’eux, leur dire qu’il leur pardonne en les serrant sur son coeur (Rm 11,26). Il est aussi celui qui donne le pain et qui sauve ainsi de nombreux peuples : prophétie de l’eucharistie, pain de vie. En tout cela, Jésus est vraiment le « Messie, fils de Joseph » qui accomplit parfaitement le dessein de Dieu.

Saint Bernardin de Sienne complète : « Saint Joseph a l’avantage sur le patriarche qu’il ne fournit pas seulement le pain de la vie corporelle aux Égyptiens, mais à tous les élus il a donné Jésus, le Pain du Ciel, qui donne la vie céleste, nourrissant avec le plus grand soin le pain de nos âmes. »

Et saint Bernard de Clairvaux ajoute : « Au premier fut donné l’intelligence des énigmes contenues dans les songes ; au second fut accordé d’être mis au courant des secrets du Ciel et d’y participer. L’un garda le blé, non pour lui, mais pour tout le peuple ; le second reçut la garde du pain vivant descendu du ciel, autant pour lui que pour le monde entier. »