Après avoir affirmé dès le premier verset de son Évangile que Jésus est « fils de David », Matthieu justifie son propos en déclinant la longue lignée de la Maison de David jusqu’à Joseph. Cet unique renseignement que nous ayons sur la famille de Joseph justifie pleinement le choix divin. Rien ne nous est dit sur l’apparence de Joseph ni sur son âge au moment de contracter mariage avec Marie ; mais la tradition - juive et chrétienne - nous permet de faire parler quelque peu le silence des Évangiles.
Il est frappant que l’Ange s’adresse à Joseph en précisant d’emblée : « fils de David » (Matthieu 1,20), comme pour suggérer dès ses premiers mots le contexte de sa visite. La tradition juive croyait en effet que le Messie serait issu de la lignée du Roi David ; elle s’appuie sur la promesse faite par Dieu lui-même à David par l’intermédiaire du prophète Nathan, que nous trouvons au deuxième livre de Samuel : « Quand tes jours seront accomplis et que tu reposeras auprès de tes pères, je te susciterai dans ta descendance un successeur, qui naîtra de toi, et je rendrai stable sa royauté. C’est lui qui bâtira une maison pour mon nom, et je rendrai stable pour toujours son trône royal. Moi, je serai pour lui un père ; et lui sera pour moi un fils. S’il fait le mal, je le corrigerai avec le bâton, à la manière humaine, je le frapperai comme font les hommes. Mais ma fidélité ne lui sera pas retirée, comme je l’ai retirée à Saül que j’ai écarté de devant toi. Ta maison et ta royauté subsisteront toujours devant moi, ton trône sera stable pour toujours » (2 Samuel 7, 12-16). Le Premier livre des Chroniques reprendra cette prophétie (1 Chroniques 17, 1-15) ainsi que le prophète Amos (Amos 9,11).
Le premier verset de l’Évangile s’ouvre par l’annonce de la « Table des origines de Jésus Christ, fils de David, fils d’Abraham ». On comprend qu’il ait été important pour Matthieu de décliner toute la généalogie de Joseph, remontant à David et même à Abraham, pour justifier ce verset aux consonances messianiques : « Joseph, l’époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ » (1,16). Marie est peut-être aussi, selon la tradition classique, de la descendance de David par son père et de celle d’Aaron par sa mère, mais si l’Évangile insiste seulement sur Joseph, en disant qu’il était de Bethléem et pas seulement de la descendance de David, mais « de la maison et de la descendance de David » (Luc 2,4), c’est selon une hypothèse intéressante – qui reste encore à valider – pour dire qu’il était dans le groupe des princes héritiers légitimes du trône de David et cette hypothèse renforcerait l’importance du titre par lequel l’Ange s’adresse à Joseph dans le récit de Matthieu : « Fils de David » (Matthieu 1,20). Ces considérations rejoignent ce que des spécialistes ont développé au cours du colloque « Archéologie, histoire et héritage culturel de Nazareth » en 2010 à Nazareth à propos de l’étymologie du nom de « Nazareth », autour des racines hébraïques NSR, qui peuvent signifier « consécration », mais aussi « couronne », et qui aurait pu être à côté de Megiddo le lieu de résidence d’été des héritiers de David dans le Royaume du Nord.
Jésus a, semble-t-il, attendu la mort de Joseph pour commencer sa mission publique. Quand il sort de Nazareth et c’est lui dorénavant qui sera appelé par ce nom de « Fils de David » : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! » (Luc 18,38-39) et c’est avec ce titre qu’il va se révéler au monde comme « le roi des Juifs » (Luc 23,3 ; 37-39 ; Jean 18,33).