Joseph est caché, retiré, silencieux, incompréhensible et méconnu parce qu'il est à l’image du Père éternel. Dans cette vision révolutionnaire, Joseph est un secret que Dieu le Père se réserve, pour des raisons différentes du secret dont il enveloppait aussi Marie.
Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, éminent représentant de l’École française de spiritualité, a parlé plus tard de Marie comme « le secret de Dieu » :
« Marie a été très cachée dans sa vie : c'est pourquoi elle est appelée par le Saint-Esprit et l'Église Alma Mater : Mère cachée et secrète. Son humilité a été si profonde qu'elle n'a point eu sur la Terre d'attrait plus puissant et plus continuel que de se cacher à elle-même et à toute créature, pour n'être connue que de Dieu seul. Dieu, pour l'exaucer dans les demandes qu'elle lui fit de la cacher, appauvrir et humilier, a pris plaisir à la cacher dans sa conception, dans sa naissance, dans sa vie, dans ses mystères, dans sa Résurrection et Assomption, à l'égard de presque toute créature humaine. Ses parents mêmes ne la connaissaient pas; et les anges se demandaient souvent les uns aux autres : Quae est ista ? Qui est celle-là ? Parce que le Très-Haut la leur cachait; ou, s'il leur en découvrait quelque chose, il leur en cachait infiniment davantage. »
Marie est ainsi « le divin monde de Dieu, ou` il y a des beautés et des trésors ineffables. C'est la magnificence du Très-Haut, ou` il a caché, comme dans son sein, son Fils unique, et en lui tout ce qu'il y a de plus excellent et précieux ». Il l’appelle « le secret des secrets du Roi » et en conclut que « Marie a été inconnue jusqu'ici, et que c'est une des raisons pourquoi Jésus-Christ n'est point connu comme il doit être. Si donc, comme il est certain, la connaissance et le règne de Jésus-Christ arrivent dans le monde, ce ne sera qu'une suite nécessaire de la connaissance et du règne de la Très Sainte Vierge Marie, qui l'a mis au monde la première fois et le fera éclater la seconde (...) Dieu veut donc révéler et découvrir Marie, le chef-d'œuvre de ses mains, dans ces derniers temps », parce qu’elle est « l'aurore qui précède et découvre le Soleil de justice, qui est Jésus-Christ. »
Pour saint Joseph, il ne s’agit pas directement de cela ; s’il est caché, silencieux, incompréhensible et méconnu, c’est pour une autre raison : c’est qu’il est par grâce configuré à Dieu le Père, lui qui ne peut créer le monde qu’en se retirant pour laisser de l’espace à ses créatures.
On retrouve là le mouvement fondamental de la fonction paternelle, qui est de veiller, de guider, d'être provident, et de rester la référence, tout en laissant la place et en se mettant en retrait pour permettre aux enfants de grandir, de s’affirmer et de s’épanouir.
Pourquoi alors l’Église met-elle alors en lumière saint Joseph aujourd’hui ?
C’est sans doute une volonté de Dieu pour notre temps sans père et sans repère car, comme disait Jean-Jacques Olier, « saint Joseph est un saint caché que Dieu a voulu tenir secret pendant sa vie, dont il s’est réservé à lui seul les occupations intérieures, sans les partager aux soins extérieurs de l’Église. Et comme il est appliqué à lui seul, il s’est réservé aussi de le manifester lui-même ».