Il a fallu attendre le XVe siècle pour que la papauté commence à parler de saint Joseph et à le mettre en lumière, comme un signe des temps...
« Le voile qui couvre le nom et la puissance du vénérable Joseph durant les premiers âges chrétiens apparaît comme le prolongement du silence dans lequel il a enveloppé sa carrière mortelle ; c’est la continuation de cette vie cachée dont les splendeurs devaient d’autant plus émerveiller l’intelligence et le coeur des fidèles que la révélation en aurait plus longtemps été contenue », explique le cardinal Louis-Édouard Pie (1815-1880).
Sous Sixte IV (1471-1484), la fête de saint Joseph, fixée le 19 mars, est inscrite dans le bréviaire romain imprimé à Venise en 1479.
Au XVe siècle, apparaissent les premières dévotions, principalement en Italie et en Espagne. Comme déjà vu, sainte Thérèse d'Avila avait grande confiance envers le père nourricier de l'Enfant-Jésus ; c'est sous sa protection qu'elle plaçait chaque carmel fondé.
Au XVIe siècle, les réformateurs protestants mettent en doute le culte des saints et la réalité de leur intercession auprès de Dieu. L'Église catholique répond à ces critiques avec le calendrier liturgique de saint Pie V, construit sur la base de textes très anciens (le Capitulare Evangelicum de 645, le sacramentaire
grégorien et les sacramentaires gélasiens du VIIIe siècle, les missels de la basilique du Latran remontant aux XIe-XIIe siècles), qui accueille évidemment les fêtes de saint Joseph et les fêtes mariales de la Conception de Marie et de la Visitation.
En 1621, Grégoire XV érige la solennité de saint Joseph au rang de « fête d'obligation » pour l'Église universelle. Toutefois, cette décision pontificale ne fut pas reçue partout immédiatement, l'aval des princes étant nécessaire pour qu'elle ait force de loi dans chaque royaume.
Le 12 mars 1661, trois jours après avoir pris le pouvoir, Louis XIV décide de solenniser sans retard le culte de saint Joseph, en faisant chômer sa fête dans tout le royaume. Les rares évêques qui purent être contactés à temps donnèrent leur accord. Le lendemain, 13 mars, pendant la réunion du Conseil d’En-haut, le roi interdit donc tout commerce et tout travail tous les 19 mars à partir de 1661. Ce fait est connu et rapporté par les historiens du Grand Siècle, qui ne s’étonnent pourtant pas de la rapidité de la décision.
Où chercher les origines de la dévotion de Louis XIV à saint Joseph ? Sans doute dans les suites de l'apparition de notre saint au Bessillon, près du village de Cotignac en Provence, le 7 juin 1660, apparition qui avait fait grand bruit non seulement à la Cour mais aussi chez les deux princesses espagnoles, les plus proches du souverain : sa mère, Anne d'Autriche et l'infante Marie-Thérèse d'Espagne. Cette dernière était entrée en France, en traversant la Bidassoa avec son futur mari, le 7 juin 1660, jour même de la susdite apparition, pour le mariage royal à Saint-Jean-de-Luz.
Certains disent que le matin du samedi 19 mars 1661, dans l’intimité de la chapelle du Louvre, le roi Louis XIV aurait même consacré la France à saint Joseph mais cela ne semble pas historique et cela n’a pas eu d’impact sur le pays. Cependant, le même jour, après les vêpres, Bossuet donna son célèbre sermon sur les gloires de Joseph, en présence d’Anne d’Autriche : « Joseph a mérité les plus grands honneurs, parce qu’il n’a jamais été touché de l’honneur ; l’Église n’a rien de plus illustre, parce qu’elle n’a rien de plus caché. Je rends grâces au Roi d’avoir voulu honorer sa sainte mémoire avec une nouvelle solennité. Fasse le Dieu tout-puissant, que toujours, il révèle ainsi la vertu cachée ; mais qu’il ne se contente pas de l’honorer dans le Ciel, qu’il la chérisse aussi sur la terre. Qu’à l’exemple des rois pieux, il aille quelquefois la forcer dans sa retraite… Si votre Majesté, Madame, inspire au Roi ces sages pensées, elle aura pour sa récompense la félicité. »
Au milieu du XVIIIe siècle, philosophie des Lumières et rationalisme tentent de réduire la religion, qualifiée d’obscurantiste, à une vague superstition. Les catholiques résistent. Le pape Benoît XIV, esprit brillant, correspondant de Voltaire, rejette certes l'hypothèse de la sanctification de saint Joseph dans le sein de sa mère, mais lui accorde un rôle essentiel dans l'Histoire du Salut.Il publie notamment les litanies de Bologne dans lesquelles le père putatif de Jésus figure au premier rang des confesseurs honorés dans cette ville.
Après la tourmente révolutionnaire, le culte de saint Joseph va connaître un essor remarquable. Dès le 23 septembre 1802, Pie VII approuve une prière adressée « à saint Joseph, gardien de la Sainte Famille » : « Bon saint Joseph, père et protecteur des vierges, gardien fidèle à qui Dieu confia Jésus, l'innocence même, et Marie la plus pure des vierges : par ce double dépôt qui vous fut si cher, faites que (…) nous servions constamment Jésus et Marie dans une chasteté parfaite. »