Joseph a été le premier disciple de Jésus et il a cheminé avant lui, sur cette même voie de l’expiation. Comme un précurseur. Tout a été compliqué pour lui dès le début : la Vierge promise est enceinte, la naissance se passe dans des conditions compliquées, le bébé est menacé de mort par le pouvoir politique, le pays n’est pas sûr, il doit émigrer en égypte... Mais loin de se révolter, ou de se plaindre de ce monde et de cette vie, il accepte tout et reste en paix. Il n’en veut à personne, ni à Marie, ni à l’empereur Auguste et à son projet de recensement, ni à Hérode. Certainement, il précède Jésus. Dans le silence de son cœur, il dit déjà : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. »
Le fait de se voir confier la Vierge Marie et de la prendre pour épouse a certainement été une surprise pour saint Joseph. Comme l’enseignent la tradition et la liturgie de toutes les églises apostoliques, Marie a été éduquée au Temple de Jérusalem. à l’âge d’être femme, elle en sortit et on lui choisit un mari. La Providence conduisit au choix de saint Joseph qui la reçut certainement avec grande joie, en acceptant son vœu de virginité (cf. Lc 1,34).
Joseph se consacra entièrement à ce cadeau de Dieu qu’était pour lui la Vierge Marie. Il est ainsi le modèle et le premier des consacrés à la Mère de Dieu. Cet engagement conduira Joseph à accueillir le Christ d’une manière unique et sans pareille. Il a été le premier à aller « à Jésus par Marie ».
Avec son épouse, il s’est ensuite, lui aussi, entièrement et concrètement consacré au Christ d’une manière très spéciale. Il est donc bien le premier et le modèle des consacrés à Jésus et Marie, et nous sommes invités à l’imiter en cela aussi.
Joseph est, selon les papes, celui à qui Dieu « confia la garde de ses trésors les plus précieux ». La liturgie le rappelle également : à saint Joseph a été déléguée « la garde des mystères du Salut à l’aube des temps nouveaux ». « Il fut le serviteur fidèle et prudent à qui Dieu confia la Sainte Famille pour qu’il veille comme un père sur son fils unique. »
On déduit de cela que saint Joseph a reçu toutes les grâces nécessaires pour accomplir cette mission protectrice unique, aux côtés de la Vierge Marie. Saint Bernardin de Sienne (1380-1444) développe à ce propos un raisonnement exemplaire classique : « C’est une règle universelle, pour toutes les grâces accordées à quelque créature raisonnable, que, lorsque la bonté divine choisit quelqu’un pour l’honorer d’une grâce singulière ou l’élever à un état sublime, toujours elle accorde à cet élu tous les dons qui sont nécessaires à sa personne et à l’accomplissement de sa mission, et elle l’orne libéralement de ces dons. Ce principe s’est surtout vérifié en saint Joseph, père putatif de Notre Seigneur Jésus-Christ et véritable époux de la Reine du monde. Choisi par le Père éternel pour être le fidèle nourricier et le gardien de ses plus grands trésors, c'est-à-dire de son Fils et de son épouse, il s’est acquitté très fidèlement de son office. Aussi le Seigneur lui a-t-il dit : "Serviteur bon et fidèle, entre dans la joie de ton Seigneur." (cf. Mt 25,21). »
Les tentations de la vaine gloire humaine, de la puissance et de la domination sur son prochain, ou de la richesse et des plaisirs passagers et futiles, n’ont jamais eu d’impact sur saint Joseph dont la vie, aux yeux des hommes, pouvait paraître modeste, pauvre et sans éclat, alors qu’elle était, en réalité, aux yeux de Dieu, infiniment glorieuse, riche, dense, utile et extrêmement précieuse. On peut dire de lui ce qu’on disait des Apôtres : « On nous prend pour des inconnus, et nous sommes très connus (...) on nous croit tristes, et nous sommes toujours joyeux; pauvres, et nous faisons tant de riches; démunis de tout, et nous possédons tout » (2 Co 6,9-10).
Quelques années de luxe dans des maisons fastueuses, des voyages, des plaisirs à n’en plus finir... mais tout cela passe si vite ! Ces choses peuvent-elles combler le cœur de l’homme ? Certains rêvent de dominer un pays et d’y régner pendant quelques décennies, mais qu’est-ce que cela vaut ? Imaginez même un empereur régnant sur plusieurs galaxies pendant des siècles : que restera-t-il dans un million d’années ? Rien du tout...
L’écriture nous répond en parlant de la Vierge Marie, comme l’a si bien dit le pape Benoît XVI dans une homélie à Lourdes. « Les plus riches du peuple quêteront ton sourire » (Ps 44,13) :
« à l'instigation de la Parole inspirée de l'écriture, les chrétiens ont depuis toujours quêté le sourire de Notre Dame, ce sourire que les artistes, au Moyen-âge, ont su si prodigieusement représenter et mettre en valeur. (...) Oui, quêter le sourire de la Vierge Marie n'est pas un pieux enfantillage, c'est l'aspiration, dit le Psaume 44, de ceux qui sont "les plus riches du peuple". "Les plus riches", c'est-à-dire dans l'ordre de la foi, ceux qui ont la maturité spirituelle la plus élevée et savent précisément reconnaître leur faiblesse et leur pauvreté devant Dieu. En cette manifestation toute simple de tendresse qu'est un sourire, nous saisissons que notre seule richesse est l'amour que Dieu nous porte et qui passe par le cœur de celle qui est devenue notre Mère. (...) Le sourire de Marie est une source d'eau vive » (cf. Mt 25,21).
Tous les assoiffés de Dieu sont donc dans l’attente de ce sourire que la Vierge Marie voudra bien leur donner quand ils quitteront ce monde pour rejoindre le Père, et cette récompense sera bien plus grande que toutes les richesses, tous les honneurs et toutes les gloires de la Terre.
Mais qui a eu la chance d’avoir pour lui plus que toute autre créature le sourire de Marie ? Saint Joseph, bien sûr. Parmi tous les vrais riches, il est assurément le plus grand, même si le monde l’ignore...
Et on comprend bien ainsi pourquoi Joseph qui a tellement reçu de Dieu, n’a eu aucune difficulté à rester toujours absolument insensible aux trompeuses valeurs du monde…