Les épreuves n’ont pas été épargnées à Joseph : notamment celle qu’il vécut lors des événements consécutifs à l’Incarnation bien su^r, mais aussi à l’épreuve de la pauvreté à Noe¨l, du danger devant Hérode, de l’émigration en égypte, et tous les soucis d’une vie simple et pauvre à Nazareth. Face à tout cela, ce fut un homme rempli de foi, qui répondit sans délai aux appels de Dieu (cf. Mt 1,24; 2,14; 2,21). Rappelons que Joseph est désigné par l’évangile comme étant « juste » (Mt 1,19), un qualificatif très important pour le monde juif de l’époque. Dans l’écriture, seuls les plus grands sont désignés ainsi : Noé, Abraham, David, en référence au Seigneur qui est « le seul juste » (2 Ch 12,6).
Lorsque Marie fut enceinte de Jésus par l’opération du Saint-Esprit, à l’Annonciation, « elle garda le secret du roi » (Tb 12,7) et ne dit rien à Joseph. C’est seulement au retour de son voyage de trois mois chez sa cousine élisabeth que Joseph se rendit compte de son état. Il vécut alors une épreuve, « secoué par une tempête de pensées contradictoires », comme l’exprime l’Hymne acathiste : d’un côté il est impossible de douter de Marie, de l’autre, il est impossible de nier cette grossesse et, par ailleurs, comment comprendre ce silence de la Vierge ? Voilà comment le pape François commente ce terrible moment pour Joseph :
« L’évangéliste Matthieu présente les faits qui ont précédé la naissance de Jésus du point de vue de saint Joseph, fiancé à la Vierge Marie. Ils vivaient à Nazareth mais ils n’habitaient pas encore ensemble, parce que le mariage n’était pas encore accompli. Entre temps, Marie, après avoir accueilli l’annonce de l’Ange, tomba enceinte par l’action de l’Esprit Saint et lorsque Joseph se rend compte de cela, il est totalement déconcerté. L’évangile n’explique pas quelles ont été ses pensées, mais il nous dit l’essentiel : il cherche à faire la volonté de Dieu et il est prêt au renoncement le plus radical. Au lieu de se défendre et de faire valoir ses droits, Joseph choisit la solution qui pour lui représente un énorme sacrifice. Et l’évangile dit : "Parce que c’était un homme juste, il ne voulait pas la dénoncer publiquement; il décida de la répudier en secret" (Mt 1,19). Cette courte phrase résume un drame intérieur véritable, si nous pensons à l’amour de Joseph pour Marie ! Mais même dans cette circonstance, Joseph veut faire la volonté de Dieu et décide, certainement avec une grande douleur, de répudier Marie en secret. »
« Il faut méditer sur ces paroles, pour comprendre quelle a été l’épreuve à laquelle Joseph a du^ faire face les jours qui ont précédé la naissance de Jésus. Une épreuve semblable à celle du sacrifice d’Abraham, lorsque Dieu lui a demandé son fils Isaac (cf. Gn 22) : renoncer à la chose la plus précieuse, à la personne la plus aimée. Mais, comme dans le cas d’Abraham, le Seigneur intervient : il a trouvé la foi qu’il cherchait et il ouvre une voie différente, une voie d’amour et de bonheur : "Joseph – lui dit-il – ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : l'enfant qui est engendré en elle vient de l'Esprit Saint" (Mt 1,20). Cet évangile nous montre toute la grandeur d’âme de saint Joseph. Il était en train de suivre un bon projet de vie, mais Dieu lui réservait un autre dessein, une mission plus grande. Joseph était un homme qui écoutait toujours la voix de Dieu, profondément sensible à sa volonté secrète, un homme attentif aux messages qui lui parvenaient du plus profond de son cœur et d’en-haut. Il ne s’est pas obstiné à suivre son projet de vie, il n’a pas laissé la rancœur empoisonner son esprit, mais il s’est mis à la disposition de la nouveauté qui lui était présentée d’une façon déconcertante. Et c'est ainsi que Joseph est devenu encore plus libre et encore plus grand. En s’acceptant selon le dessein du Seigneur, Joseph se trouve pleinement lui-même, au-delà de lui-même. Sa liberté de renoncer à ce qui est sien, à la possession de sa propre existence, et sa pleine disponibilité intérieure à la volonté de Dieu, nous interpellent et nous montrent le chemin. Marie est la femme pleine de grâce qui a eu le courage d’avoir totalement confiance dans la Parole de Dieu; Joseph est l’homme fidèle et juste qui a préféré croire au Seigneur plutôt que d’écouter les voix du doute et de l’orgueil humain. »
Lorsque Dieu se manifeste, que ce soit dans la Bible, dans le Nouveau Testament ou dans l’histoire de l’église, il donne systématiquement un signe pour l’intelligence, afin que la foi s’appuie toujours aussi sur la raison. Ainsi à l’Annonciation, l’ange Gabriel parle à la Vierge Marie de sa cousine élisabeth qui est enceinte, « elle qu’on appelait la stérile » (Lc 1,36), et Marie pourra le vérifier environ une semaine après, le temps qu’elle se rende « en toute hâte » à Ain Karem.
Quel signe a été donné à Joseph en appui de sa foi ? Comme souvent, le texte canonique araméen de l’évangile – écrit dans la langue de Jésus – nous donne une clé qui permet d’aller plus loin que les traductions grecques ou latines. Dans le songe par lequel Joseph reçoit de Dieu la demande de « prendre Marie chez lui » (Mt 1,20), l’Ange du Seigneur précise que l’enfant engendré en la Vierge « vient de l’Esprit Saint » (Mt 1,20) : « Elle enfantera un fils » (Mt 1,21) et on traduit de préférence « Elle l’appellera du nom de Jésus » (Mt 1,21). C'est bien plus logique et cohérent que les différence des traductions grecques ou latines qui disent « Tu l’appelleras du nom de Jésus ». En effet, l’Ange a déjà dit à Marie, lors de l’Annonciation, trois mois plus tôt : « Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils » (Lc 1,31) et « Tu lui donneras le nom de Jésus » (Lc 1,31). C’est donc bien la Vierge Marie qui va dire à Joseph que son enfant devra s’appeler « Jésus », et Joseph recevra cela comme un magnifique signe confirmant l’authenticité de son songe, mettant ainsi fin définitivement à cette grande épreuve et à tout doute dans l’avenir.
Joseph a vécu bien d’autres épreuves au service du Seigneur. Homme de prière et de foi, il a fait face aux inattendus de sa mission en répondant sans délai aux appels de Dieu quand il fallut marcher avec Marie enceinte vers Bethléem, dans la pauvreté de l’étable ou` elle devra accoucher. Il reçut aussi la redoutable mission de sauver la vie du Sauveur en l’arrachant à la jalousie meurtrière d’Hérode, en fuyant en égypte, dans une vie de réfugié en une terre étrangère, puis dans un labeur quotidien à Nazareth, ou dans la surprise du recouvrement de Jésus au Temple après trois jours passés à le chercher, comme une anticipation de l’attente de la Résurrection. Car, quand la Vierge Marie « saisie d’émotion » s’écrie : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Ton père et moi, nous te cherchions angoissés » (Lc 2,48), elle exprime évidemment la douleur profonde et la peur qu’elle a partagées avec saint Joseph.
Mais selon l’affirmation de l’écriture et la foi de l’église, Joseph est toujours resté au milieu de ces épreuves diverses « un homme juste » qui a pleinement su protéger les trois trésors – les « trois dépôts » disait Bossuet – que le Ciel lui avait confiés, en exprimant pour cela trois vertus essentielles :
« Le premier de tous les dépôts... c’est la sainte virginité de Marie. » Et pour garder la virginité de Marie sous le voile du mariage, Joseph fut doté de la pureté angélique, qui s’exprime par sa continence, et « qui peut en quelque sorte, répondre à la pureté de sa chaste épouse ».
« Le deuxième dépôt, le plus auguste, c’est la personne de Jésus-Christ que le Père céleste dépose en ses mains, afin qu’il serve de père à ce Saint Enfant... » La vertu nécessaire pour garder ce dépôt, c’est la fidélité, « une fidélité inviolable, qui ne puisse être ébranlée par aucun péril ».
« Le troisième dépôt, c’est le secret admirable, l’Incarnation du Fils de Dieu. Car, c’est un conseil de Dieu, de ne pas montrer Jésus-Christ au monde jusqu’à ce que l’heure en fu^t arrivée. Et Joseph a été choisi, non seulement pour le conserver, mais encore pour le cacher. » La troisième vertu qui accompagne ce dépôt, c’est l’humilité, qui s’accompagne de la prudence.