Il y a 2000 ans, dans la Palestine, il n'y avait qu'un seul modèle de vie pour la jeune fille juive de l'époque : le mariage et la procréation vécus comme autant de signes de la bénédiction du Seigneur. Mais dès ses premières années, avant même son adolescence, Marie avait perçu que Dieu avait sur elle un projet différent : celui de rester vierge pour adoucir la douleur de son Seigneur depuis le pécher d’Adam et Eve et hâter la venue du Messie annoncé par les prophètes et tant attendu par son peuple, le peuple de l’alliance.
Remarquons déjà que ce n'était pas simple de s'inscrire en rupture par rapport à la destinée habituelle des jeunes filles de son temps. Toute « vieille fille » était en effet soupçonnée d'infamie pour avoir commis une faute cachée…
Vers l'âge de 14 ans, alors qu'elle avait formé ce projet de consécration au Seigneur dans le célibat, ses plans se trouvent bouleversés ; elle est invitée à rentrer dans la destinée commune et à s'ouvrir à la perspective d'une demande en mariage, probablement à l’initiative du grand prêtre du temple de Jérusalem. Elle s'ouvre de son projet de rester consacrée dans la virginité, mais le grand prêtre se serait borné à lui suggérer d'en parler à celui qui lui sera proposé comme mari.
Dans sa docilité à l'Esprit Saint, Marie accepte ce bouleversement (Etait-ce si simple ?), redoublant de prière pour discerner la volonté de Dieu sur elle : se serait-elle trompée ? Mariage ou pas mariage ? Virginité ou fécondité ?
À 30 ans environ, Joseph aussi n'avait probablement pas le désir de se marier, mais il accepte spontanément d’obéir à la demande du Grand prêtre de venir au temple de Jérusalem pour être au nombre de ceux susceptibles d'être choisi pour être donné en mariage à Marie. À sa surprise, Joseph est choisi parmi tous les autres jeunes hommes descendants de David, car le rameau qu'il portait dans ses mains avait fleurit. Joseph accepte ce bouleversement dans ses projets. (Etait-ce si facile ?)
Après le songe dans lequel Joseph reçoit l'invitation à "prendre Marie chez lui", avec docilité, il accepte joyeusement d'accueillir le projet de Marie. (Etait-ce si facile ?)
Ils conviennent dès lors d’un mariage apparent (était-ce si facile ?) pour l’extérieur, mais entre eux sans les relations habituelles entre époux, choisissant au contraire de vivre « comme frère et sœur ».
Pour Marie, que d’émotions ! Mais constater que le Seigneur non seulement ne remettait pas en cause son projet de virginité, mais également le confirmait par l'accord express donné par Joseph, était certainement aussi source de grande joie intérieure. La souffrance est transformée en joie !
Pour Joseph, une forte tradition de l'Eglise affirme qu'il a bénéficié d'un privilège spécial de la grâce pour qu'aucun désir charnel ne l’effleure jamais, de sorte que « la chasteté de saint Joseph ne fut pas une chasteté de lutte, mais une chasteté passée en nature et de tout repos ; il fallait qu’elle eût ce caractère pour l’habiliter à des noces avec Marie, la très pure Vierge ».
Par chance pour les époux, selon la loi juive de l'époque, le mariage se déroulait en deux temps : le premier temps était la célébration du mariage lui-même (ce qui fut fait probablement à Jérusalem devant le grand prêtre), puis, seulement 9 à 12 mois plus tard, début de la cohabitation des époux avec pour la destinée commune la consommation du mariage tant attendue. (On retrouve cette distinction dans le droit canonique de l’Eglise catholique d’aujourd’hui qui demande que le mariage soit non seulement célébré, mais aussi consommé charnellement pour devenir indissoluble « ratum et consumatum »).
Marie retourne donc à Nazareth avec Joseph, mariée juridiquement à lui (pas simplement fiancée), mais chacun vivant dans sa propre maison pour respecter les traditions de l’époque. Ils ont le temps de réfléchir à la manière de « donner le change » vis-à-vis du monde, lorsque le temps de la cohabitation « obligée » viendra.
C'est alors que se produit l'événement fulgurant de l'Annonciation. Dans une totale docilité à l’Esprit Saint, Marie découvre et accepte de tout son être le projet de Dieu sur elle : le messie tant attendu pour lequel elle a consacré sa virginité, c’est elle, Marie, qui a été choisie pour le porter en son sein. Elle accepte de devenir mère sans cesser d’être vierge, dans le mariage avec Joseph, sans que Joseph soit le père! Quel bouleversement dans la vie d’une jeune fille ! (Etait-ce si simple ?) Mais après tant de semaines d’inquiétude, quelle confirmation éclatante aussi du plan de virginité de Dieu sur elle ! Une fois de plus, la souffrance est changée en joie.
Cependant rapidement, le Seigneur va soumettre Marie à une nouvelle épreuve : Il fait comprendre à Marie que c’est lui-même qui aura soin de dévoiler le moment venu à Joseph le mystère de sa toute nouvelle maternité divine. Dans sa totale humilité, Marie s’en remet donc entièrement au Seigneur. Elle entre dans le silence de Dieu, offrant sa souffrance de bientôt voir Joseph souffrir de son propre silence. (Etait-ce si facile ?)
L’extrême désarroi de Joseph et la grande souffrance silencieuse de Marie.
Peu après le début de la conception de l’enfant Jésus en son sein, Marie quitte rapidement Nazareth pour le village d’Ein Karem (proche de Jérusalem), à 5 jours de voyage environ, pour retrouver sa cousine Élisabeth, épouse âgée du Prêtre Zacharie qui attend miraculeusement elle aussi un enfant et qui en est à son sixième mois. Environ quatre mois plus tard, peu après la naissance de Jean-Baptiste, Marie retourne à Nazareth.
C’est alors que, peu à peu, Joseph constate que Marie a tous les signes apparents d’être enceinte. Il ne peut soupçonner Marie d'adultère, mais ne comprend rien à la situation qui s'impose lui avec une force chaque jour plus contraignante : il n'est pas le père de l’enfant que porte Marie et Marie est enceinte !
Marie souffre de voir Joseph souffrir, mais ne peut rien lui dire, l’Esprit Saint lui inspirant de garder le secret ! (Etait-ce si facile ?)
"Secoué par une tempête de pensées contradictoires" (Hymne acathiste), Joseph vit un drame d’une redoutable intensité : la loi juive est claire qui prescrit la lapidation pour toute femme adultère. Joseph sait bien qu’il n’est pas le père. Il ne peut raisonnablement soupçonner Marie d’adultère, mais ne peut aussi que constater l’évidence : Marie est enceinte ! Il constate aussi que si le Seigneur lui a demandé il y a quelque mois de se marier avec Marie, il ne lui a rien demandé cette fois ci au sujet d’une maternité de son épouse, Marie, qu’il aime si profondément et chastement. Le Seigneur ne lui demanderait-il pas de se retirer ? Devant le silence de Marie, Joseph est seul pour rechercher l’attitude juste devant l’incompréhensible ! Durant de longues heures, Joseph vit sa Passion, lutte de toutes ses forces contre la tentation du découragement, la tentation du désespoir ; il rentre dans le combat spirituel, vit intensément une longue nuit de la foi, laissé à sa solitude. Au terme de sa réflexion, il prend la résolution de se retirer, de répudier Marie, mais dans le secret pour ne pas empêcher le plan du Seigneur de se réaliser et ne pas nuire à Marie. A l’extérieur, personne n’en saura rien ; Marie échappera ainsi à la lapidation, la loi sera sauve et le scandale évité !
Le message libérateur de l’Ange à Joseph
C'est alors - mais alors seulement - que le Seigneur, par l’intermédiaire de son messager, l'Ange Gabriel, intervient pour informer Joseph durant son sommeil (ce sera la première des 4 apparitions en songe de l’Ange à Joseph qui nous sont rapportées dans l’évangile) que Marie est enceinte de l'Esprit Saint et qu'il peut la prendre chez lui !
Le trouble intense de Joseph durant tout le temps de la réflexion préalable à sa décision, sa longue souffrance engendrée par le silence de Dieu et le silence de Marie, se transforment en joie indicible lorsqu'il découvre le plan de Dieu sur lui et Marie.
Joseph a du courir frapper à la porte de Marie, le cœur battant, les larmes aux yeux ; dans l’intense et silencieux échange de leurs regards, Marie a immédiatement compris que Joseph savait enfin ! Joseph a pu dire à Marie sa souffrance, sa joie ; il lui a probablement demandé aussi pardon d’avoir pu douter d’elle ne serait-ce qu’un instant.
Marie a pu confier à Joseph le douloureux combat qui a été le sien durant tout ce temps où elle le voyait souffrir et ne pouvait rien lui dire, où elle n’a cessé de prier elle aussi, pour traverser cette épreuve, où elle inventait mille astuces pour cacher autant que possible sa maternité chaque jour un peu plus visible à son entourage.
Marie et Joseph échangent sur le secret qui les unit, sur leurs bras qui porteront bientôt leur sauveur, cet enfant qui les appellera papa et maman… Quelle émotion, quelle divine profondeur dans cet échange de Marie et Joseph en cette heure bénie où le Seigneur envoie aux époux la surabondance de sa consolation, de sa paix et de sa joie. Les écritures ne nous disent rien des chants d’action de grâce qui se sont longuement élevés de leurs cœurs unis, mais ils ont certainement jailli avec force.
Joseph entrevoit sa nouvelle mission : être aux yeux du monde le père (putatif) de l’enfant que porte Marie. (Etait-ce si facile ?) Et il va s’y employer en organisant très vite le repas festif qui précède le moment où, après avoir déclaré à Marie devant les amis rassemblés « tu es mon épouse selon la loi de moïse » il « prendra Marie chez lui », deuxième temps de la célébration du mariage selon la tradition juive.
À quel mois de grossesse en était alors Marie ? Autour du 6ème mois ? Quoi qu’il en soit, faute d’avoir respecté le délai de 9 à 12 mois séparant les 2 temps du mariage, on peut sans difficulté supposer les commérages (Etait-ce si facile pour Marie et Joseph de supporter en silence ces calomnies touchant au plus intime de leur don total au Seigneur ?) qui ont pu rapidement se propager dans l’entourage de Joseph et de Marie, surtout que le temps avançant, la grossesse pouvait de moins en moins se cacher… Cela a peut être alimenté le propos négatif sur Nazareth : « que peut-il sortir de bon de Nazareth » ?
De nouvelles épreuves attendent cependant bientôt Marie et Joseph, non moins faciles que celles qui viennent d’être évoquées : la fuite en Égypte ; la vie d'immigré ; la vie cachée à Nazareth...